LEÇON DE BIOLOGIE


L'oiseau est moins léger             

                        que la branche
dans le jardin de la fragilité.

Une miette
                   d'eau
glisse, elle se détache,

elle exerce
sur la nervure de la feuille
le poids vertical
de sa perle de verre.

                   Mais
l'oiseau
s'enracine dans les corniches
comme une marionnette
tirée par les fils de la pluie.

Et nous, à l'inverse,
nous n'en finissons jamais
de tomber,

tout comme le ciel qui s'effrite
sous la hache du tonnerre.

Terriens que nous sommes, c'est le sol qui nous réclame.

Et donc, il ne nous reste

qu'à accepter l'inertie du déluge
et l'ascension de l'oiseau

vus d'un point de mire qui réitère
l'impossibilité
                           de notre confection.

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DIAPOSITIVE II


Je sors de la chambre pour me rendre au salon et un rectangle bleu me reçoit tout à coup.

            Je m'approche de la fenêtre et je regarde:

            une falaise de tuiles et de murs blancs. Des îlots de verdure.

            La mer et le ciel s'étendent pour se aller se rejoindre très loin.

            Les eaux de l'entrain sont encore au repos comme le bleu qui me regarde.

            Espace stérile, dénudé. Bol rempli à ras bord d'une transparence étale.

            Et la destruction à un pas de là.

            Il suffirait qu'une abeille cligne des yeux pour renverser les océans.

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TROUVAILLE


Une femme endormie au gué de l'aube.
Une femme endormie
dans le secteur le plus bas des rêves
comme un caillou lisse
au fond de l'étang.

Elle ressemble passablement à une morte. L'équerre

que postule son genou le préfigure,
comme le font ses bras relâchés en un geste d'abandon,
son dos courbé dans une position légèrement inconfortable,
et l'absence de souffle
durant une période indéfinie.

Quelqu'un s'habille à ses côtés
en faisant attention, essayant
de ne pas faire beaucoup de bruit, de ne pas déranger
l'eau de la tombe qui l'habite,
altérer son niveau.

La lumière se met à polir les contours à l'émeri.

Et dire que tu ne seras pas là quand ce corps
renoncera à être une colline
pour se changer en papier volatile
qui au fil des heures éblouira
– d'un éclat peut-être encore plus nécessaire
que le soleil sur les carreaux –!

les socles de maison
où la transparence qui le recouvre

étalera le manuscrit
de toutes ses énigmes.

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SUJETS D'ANATOMIE


Un corps et un autre corps se donnent rendez-vous
dans un café tenus par des chinois. Pendant deux heures
ils jasent entre pauses et allusions
et après avoir demandé l'addition au serveur
ils décident d'aller dans une taverne
pour entrer dans le vif du sujet en portant un toast.
Soudain les caresses entrent en lice
et au bout d'un petit moment un baiser et autant d'autres
et ceux qui étaient alors des corps inégaux
ne sont plus qu'une île, une ronce
de chair et d'os vifs et d'écharpes.
Ils demandent l'addition au barman
et se hâtent de glisser sur le comptoir le montant à payer
puis ils tournent le dos au monde indifférent
pour aller pénétrer dans une nappe de brouillard
qui les engloutira sans qu'ils s'en rendent compte

dans ses babines d'atmosphère propice.
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